Chapeau, Thierry F. ! Quarante-cinq balais et vingt-deux passés au chômdu. Un gus témoignant une telle aversion pour le chagrin mériterait le prix Farniente de CQFD. « À 65 ans, mon père, qui avait travaillé toute sa vie, s’est retrouvé avec 600 euros de retraite. […] Sans le vouloir, il ne m’a pas encouragé dans la voie du travail », écrit-il dans son bouquin [1]. Mais voila où le bât blesse : pourquoi ce jean-foutre étale-t-il sa vie de « chômeur professionnel » ? Fièrement, il dévoile son « secret », l’ASS, ou Allocation spécifique de solidarité. « J’imagine que le terme est étranger à beaucoup d’entre vous », s’amuse-t-il. Justement non, t’es mal tombé. L’ASS - 440 euros par mois - ce n’est pas Byzance. Thierry F. explique que c’est suffisant, à condition de vivre chichement. Entendez en étant l’heureux propriétaire d’un appart’ et d’une bagnole. Trente mètres carré à Roanne, ce n’est pas une villa dans le Lubéron. Et son Alfa Romeo de 1989 fait moins classe qu’une Audi TT flambant neuve. Mais ce que le lecteur retient c’est que ce propre-à-rien est proprio, et sans un cal aux mains, vous vous rendez compte ?
D’énervant, il devient franchement désagréable quand il détaille ses combines pour éviter de trouver du taf tout en préservant son alloc’ : ruiner son CV en griffonnant des rajouts à la main, se pointer aux entretiens ANPE avec des lunettes « montures Yves Mourousi »… À CQFD, nous avions imaginé une rubrique « Trucs et astuces de la survie en monde hostile »… Le projet fut vite abandonné : la débrouille n’est valable que si elle se propage de bouche à oreille, sous le manteau. Mais ça ne l’a pas effleuré, notre chômeur béat. Le lien social, c’est pas son truc. Son bouquin est donc pain bénit pour ceux qui veulent « remettre la France au travail ». Merci Thierry !
Et le pire reste à venir, puisqu’il raille la main assez « cloche » pour le nourrir à glander ! Il souligne la « bêtise de l’État » et se goberge des gouvernements successifs incapables de réformer l’assurance-chômage. Excédé, CQFD l’a contacté pour lui demander s’il n’avait pas l’impression de se tirer une balle dans le pied, en même temps qu’une rafale dans le dos des collègues chômeurs heureux. Il éluda la question : « Je ne dis pas que c’est bien, je ne dis pas que c’est mal, je dis que c’est possible avec le système français ». Mais précisa : « Il y a eu deux types de réactions : certains ont été choqués qu’on puisse vivre de la sorte, mais d’autres m’ont approuvé. » Ces derniers « trouvent que c’est bien de dénoncer les profiteurs ». Tiens donc, ces deux catégories ne sont-elles pas les mêmes ?
Il ne reste que deux hypothèses. Soit Thierry F. est un vrai chômeur, mais nigaud comme une boîte à chaussures. Soit il n’a jamais pointé, et son bouquin est une commande du MEDEF. Un conseil : ne l’achetez pas, ne le volez pas. Il affirme en avoir déjà vendu dix mille : à trahir ses semblables, autant pouvoir s’offrir une Audi TT.
Publié dans CQFD n°39, novembre 2006.