PAS BESOIN de s’emmerder à recevoir
des loqueteux du tiers-monde
à l’hygiène douteuse,
surtout quand on donne aussi
dans le droit des affaires et qu’on
est installé dans la très chic avenue Kléber,
à Paris. Depuis trois mois, le cabinet d’avocats
AMS Law (basé également
en Belgique) fait ainsi
dans la consultation à distance
en droit des étrangers :
50 ou 100 euros le mail, 75 ou
125 euros le coup de fil.
Habilement, le nom du site
fleure bon l’officiel,masquant
les effluves de business :
immigration-en-france.com.
Cela dit, le client peut quand
même passer : en effet, estil
précisé, « par nature, les
consultations juridiques à distance
ne peuvent remplacer
un entretien en cabinet ». Au
risque de suggérer que, sur le
Web, c’est de la camelote que
ledit cabinet refourgue,mais
il faut bien bétonner. En tout
cas, c’est finement présenté :
sobriété, rigueur, professionnalisme.
Et transparence : les
prix, clairement indiqués,
TTC. De toute façon, il faut
raquer avant, alors on précise
: paiement électronique
sécurisé par carte bancaire,
PayPal,mandat cash établi au
guichet de La Poste ou transfert via Western
Union.
En retour « à une question précise » est
expédié un mail « comportant l’énonciation
des règles de droit applicables à votre situation
[…] pour un coût de 50 euros TTC », ou
encore un mail « comportant une analyse
préalable des documents transmis […] pour
un coût de 100euros TTC ». Contre 75 euros,
on a droit à « une consultation téléphonique
d’une durée maximale de trente minutes ».
Et 125 euros permet de s’offrir « une consultation
téléphonique approfondie, sans limitation
de durée, et comportant une analyse
préalable des documents transmis ». Et
attention, on n’est pas chien,c’est le cabinet
qui rappelle. De plus,mails ou coups de fil,
le client est roi, il peut choisir entre quatre
langues : français, chinois, anglais, espagnol.
Aux manettes, deux avocats, qui ont
également recours à des collaborateurs
externes.
Rien d’illégal dans tout cela, indique Jean-
Louis Borie, le président du SAF (Syndicat
des avocats de France), si les règles déontologiques
sont respectées, notamment l’identification
du client. Et les tarifs sont libres.
C’est plutôt du côté de l’éthique que ça démange, notamment en termes de
résultat : « Je suis très réservé sur les consultations on line en général. Surtout en droit des étrangers, ça pose un vrai problème de qualité du conseil. Il n’y a aucune garantie d’efficacité dans cette matière où les situations sont complexes. Ce
n’est pas par Internet qu’on va les régler. Si c’est pour dire voilà les textes, vous
pouvez rentrer chez vous… »
Le patron d’AMS Law
admet que « traiter des
situations particulières
par mail ce n’est pas
facile, mais il faut le faire
intelligemment et déontologiquement.
Toutes les précautions sont prises
pour donner les réserves
nécessaires. » Il insiste sur
le fait que le client peut
être reçu dans les
« 48 heures, s’il habite pas
trop loin. […] Pour les
autres, notre rôle se limite
à de l’information. » Au
risque à nouveau de
dévaluer son activité sur
Internet, il tient à souligner
que « la majorité des
consultations sont téléphoniques ». Mais, ajoute-t-il, « ça me gêne moins que certaines officines qui font dans le droit sans être avocats », sachant que, selon lui, « 90 % des sites de consultations on line sont le fait de commerçants, pas d’avocats ». Bref, il y a pire ailleurs… Le cabinet a également dans les tuyaux l’idée de créer des sites similaires dans plusieurs pays européens. Avocats et commerçants, ce n’est pas incompatible !
Article publié dans CQFD n°66, avril 2009.