UNDI 18 MAI À 6 H 10, douze
agents de la PJ de Marseille
sonnent chez les Bouchardeau,
à Forcalquier (04). Le fils leur
jette la clé accrochée à un petit parachute
de plastique pour qu’ils puissent
entrer. Après avoir fouillé son cartable,
les flics le laissent prendre son car scolaire
et ses parents
sont emmenés en
garde à vue. Ils seront
relâchés, avec deux
autres interpellés, au
bout de trente-six
heures d’interrogatoires
et de cachot. « La
perquisition s’est faite
poliment, raconte
Johanna Bouchardeau,
mais à l’Évéché [commissariat
central de Marseille], on a été
traités comme des serpillières.
Comme tout
le monde, d’ailleurs.
On a vu des gamins de
douze, treize ans jetés
dans des cellules
immondes. » L’accueil
réservé à leur retour
chez eux les rassérène. « Plus de cent personnes
nous attendaient. Le maire avait
pris notre défense sur France3. Même les
gens de droite se sont scandalisés de ces
“dérives dignes d’un État totalitaire”. »
Que leur reproche-t-on ? D’avoir terrorisé
le chef de l’antiterrorisme. Bernard
Squarcini, directeur central du renseignement
intérieur (DCRI), a présenté
une photo au procureur de la
République de Digne. Un cliché pris
avec un portable, montrant une sonnette
assortie d’un oeilleton électronique
et d’une plaque : « M. et Mme
Squarcini Bernard. » Sous la sonnette,
deux doigts tenant un tract : « Sabotons
l’antiterrorisme. » Cette pochade a circulé
par mail entre les membres du
comité local de soutien aux inculpés du
11 novembre, pour annoncer une
journée de débats en présence de l’éditeur
Éric Hazan. Mais le manitou se sentant
menacé, la police et la presse se
mirent en branle. Les journalistes évoquèrent
un tract livrant à la vindicte du
populo-terroro la résidence secondaire
de M. Bernard. Les artistes de l’inversion
avaient encore frappé : d’un tract sur
une photo, on était passé à une photo
sur un tract. Et d’un gros plan sur un
anodin Interphone, on basculait vers la
désignation malveillante de toute la
villa. Voilà, paraît-il, le pourquoi du
commando de l’aube. Rien à voir bien
sûr avec l’autre descente de police à
Rouen, à la même heure, chez « des
proches de Julien Coupat »… Johanna
Bouchardeau affirme le contraire : « Ça
fait partie d’une stratégie d’intimidation. »
Pourtant, à l’automne, Squarcini promettait
: « Nous ne sommes pas là pour
nuire aux libertés individuelles. [1] » Alors,
qui est cet OSS 117 trahi par la sonnette
de son petit cabanon ? Dans les
années 80, « Le Squale » a fait ses classes
dans l’antiterrorisme anti-corse [2] , puis
anti-basque. Il est ensuite devenu préfet
de police à Marseille [3]. En juin 2007, son
mentor néo-élyséen le bombarde chef
de la DST, chargé de fusionner cette officine
et les RG dans une seule et flambante
DCRI (« le FBI
à la française »),
dont le premier fait
d’armes sera l’infâme
montage de
Tarnac.
Le Point du 12 mars
2009 interviewe ce
« professionnel du
secret ». « Subtil et flegmatique
», M. Bernard
y explique « comment
on traque les terroristes ». Le mode opératoire
est simple :
« Détecter, surveiller,
anticiper. » Certains
s’étonneront de
l’usage privé qu’il fait
aujourd’hui de cet
arsenal aléatoire Antécédent : [4].
Mais si La Provence du
5 juin note que « le préfet Squarcini [a été]
placé sous protection juridique », c’est sûrement
qu’il en a besoin. La preuve ?
« Squarcini n’existe pas ! », insinuait récemment
un mystérieux Comité apéritif du
sabotage protéiforme et pataphysique des
existences ridicules… Pas de doute, la
menace erroriste plane encore.
Article publié dans CQFD N°68, juin 2009.