UR LES SITES DAILYMOTION ou YouTube, nul ne peut désormais
ignorer que la pandémie de grippe A est un complot
mondial ourdi, selon les cas, par le Mossad, la CIA ou l’infâme
Rumsfeld [1], avec la complicité active des multinationaux
laboratoires du médicament. Sur France Inter, le
débat, dans un premier temps, semblait mieux engagé, car
plus au fait des enjeux d’une véritable manipulation de
l’opinion. Ainsi, le 7 septembre dernier, le professeur
Gentilini, invité de la tranche matinale d’informations, pouvait librement
asséner quelques salutaires piqûres de rappel. Et l’ancien président
de la Croix-Rouge française de regretter que les ressources utilisées
pour la vaccination le soient au détriment d’autres actions plus primordiales,
notamment contre le sida, le paludisme ou la pauvreté, « première
maladie au monde ». Concédant que la campagne de vaccination
contre la grippe A puisse être une bonne affaire, il précise que son succès
dépendra du « terrorisme sanitaire ». Fichtre, l’éminent spécialiste ne fait
pas dans la critique chirurgicale ! Las, les échéances gouvernementales
approchant à grands pas et la perplexité de l’opinion demeurant intacte,
les parangons de l’information différente ont muté en promoteurs zélés
du seringage tous azimuts.
Le 29 octobre, alors que la vaccination a déjà commencé – dans le scepticisme
– pour les professionnels de santé et qu’elle débutera une
semaine après les vacances de la Toussaint pour le grand public, une
singulière effervescence agite la rédaction de France Inter, suite à la
mise en cause du conseiller grippe A de Bachelot et principal interlocuteur
de la radio de service public. Une enquête du Parisien dévoile les
liens du professeur Lina avec les cinq grands laboratoires pharmaceutiques
produisant le vaccin, ce qui constitue bien sûr un risque de
conflit d’intérêts. Hélène Cardin, spécialiste santé de France Inter, se
sent alors obligée de monter au créneau
pour défendre la probité de
son expert attitré en expliquant que
les liaisons dangereuses de celui-ci
sont chose publique. Sauf que c’est
la première fois qu’elle en fait état,
comme d’ailleurs la plupart de ses confrères. Pourtant le Code de la
santé publique, depuis 2007, contraint tous les professionnels du secteur
s’exprimant publiquement de réveler leurs éventuels conflits d’intérêts.
On sait bien que la chose est compliquée et elle le serait plus
encore si l’on étendait cette obligation aux décideurs politiques…
Imaginons qu’avant toute prise de parole publique de Bachelot, la journaliste
doive égrener pendant de longues secondes les vingt années de
bons et loyaux services de la ministre auprès de deux laboratoires pharmaceutiques…
Ou, avant toute saillie de Kouchner sur la pandémie, une
notice indicative sur les activités de son frangin, leader de la communication
médicale en France. Ou, avant chaque coup de menton et haussement
d’épaules de Sarkozy, un préambule sur son frère François,
patron d’une chaîne TV entièrement consacrée à la maladie
d’Alzheimer – celle-ci ayant été promue grande cause nationale par son
aîné le petit Nicolas. Intenable, et puis cela accréditerait la thèse, démocratiquement
malsaine, d’une confiscation du pouvoir par une minuscule
élite cul et chemise avec le grand patronat mondialisé.
Non, si dévoiement de l’intérêt général par un lobby il doit y avoir, il
faut chercher ailleurs. Toujours sur France Inter, Hélène Cardin a la
réponse : l’immense pouvoir des ligues antivaccinales associées aux
sectes. Comme elle ne cite aucun nom, c’est pratique : l’ensemble des
opposants ou éventuels critiques de la vaccination peuvent se sentir
visés. La circonspection des propos de la revue indépendante Prescrire
assimilés aux anathèmes des Témoins de Jéhovah ? Les attaques virulentes
du blog Pharmacritique renvoyées aux fumisteries de la
Scientologie ? Tous ceux-là n’auront guère la possibilité d’exposer un
autre son de stéthoscope puisque la station de Radio France, à partir du
12 novembre, n’invitera plus que des experts détenant la vérité ultime :
« Les vaccins, ça protège. » Du même coup, ils balaient d’un doctoral
revers de manche les irrationnelles questions du conflit d’intérêts, de
la toxicité des adjuvants présents dans certains vaccins, de l’absurdité
d’une vaccination en pleine épidémie, ou encore de l’immunité
pénale – à l’américaine – accordée aux fabricants en cas de défectuosité
de produits livrés dans l’urgence [2]… Rappelons simplement que l’un
des devoirs déontologiques du corps médical est de favoriser chez les
patients un consentement libre et informé, pas de faire fonctionner la
planche à bi…, oups, à ordonnances.
Article publié dans CQFD N°73, décembre 2009, actuellement en kiosques.