NOUS ALLONS BÂTIR le service
public de l’emploi le plus performant
d’Europe, [en faire]
une arme absolue ! », divaguait
Nicolas Sarkozy lors de
l’inauguration en octobre 2008, à Rethel
(Ardennes), d’un des premiers Pôles emploi
frais émoulus de la compression de
l’ANPE avec l’Assedic. Eh bien, allons
visiter, un an plus tard, l’arsenal
nucléaire anti-chômedu, avec une idée
bien précise : ainsi, en gage de bonne
conduite et/ou pour tuer le temps,
voire par réel intérêt, le chômeur qui
déciderait de mener un bilan de
compétences (qui consiste en gros
à faire le point sur ce qu’on sait
faire, veut faire et sur ce que le
marché veut bien nous autoriser
à faire), le chômeur,
donc, doit avant tout
pousser les portes d’une
agence Pôle emploi. Mais
là, prudence ! L’enseigne
rassurante frappée des
couleurs de la République
dissimule en fait des ectoplasmes
d’Assedic ou
d’ANPE. Car évidemment
la fusion des deux maisons,
menée tambour battant
telle une vulgaire
campagne de vaccination,
est loin d’être achevée.
Résultat, l’agent Pôle
emploi qui n’est jamais
passé par la case ANPE ne
peut qu’avouer son ignorance
en matière de bilan
de compétences, mais
– joie – en tant qu’ex-agent Assedic, il fera
profiter de ses lumières son interlocuteur
pour tenter de démêler tout ce qui concerne
le versement de ses allocs.
Il est également à même d’indiquer où
trouver une ex-ANPE planquée derrière une
façade Pôle emploi. Là, un employé dégottera
sans problème quelques places dans
des boîtes sous-traitantes assurant le service
demandé. Mais, de son propre aveu,
toutes ne se valent pas. Conséquence, selon
divers agents Pôle emploi et des chômeurs
ayant tenté le coup, le bilan de compétences
conduit parfois à la dépression (ça
s’est vu) ou à des conclusions ubuesques :
ainsi, raconte notre agent en pétard, « untel
s’est vu conseiller, à l’issue de son bilan, le
domaine de l’infographie, alors qu’il était
justement infographiste ! » « De plus, ajoute
une autre employée, il n’y a plus de boulot
dans ce secteur, nous avons d’ailleurs mis
un terme à la formation que nous financions
à Marseille. » Un beau score donc,
sachant que le bilan de compétences comprend
six entretiens d’une heure répartis
sur six semaines, durant lesquelles le chômeur
doit, de son côté, mener des investigations
sur les métiers retenus avec son
« coach ». Le bilan de compétences peut également
ne pas avoir lieu. C’est le cas pour
le chômeur qui a l’inconscience d’avouer
à son interlocuteur, lors de leur première
entrevue dans l’organisme
retenu, qu’il aura, le lendemain,
un entretien d’embauche.
Là, une fois de
plus, la mécanique de la
réinsertion professionnelle
et du contrôle social
s’enraye : qui dit entretien
d’embauche, dit éventuel
taf, et, partant, impossibilité
d’assister aux séances
du bilan, or ça ne va plus
du tout, car le machin s’apparente
à un contrat signé
par les deux parties, or si
l’une d’elles fait défaut,
etc., etc.
Avis donc aux 52 400 nouveaux
chômeurs enregistrés
au mois d’octobre
(dans la seule catégorie
A) : pour un bon bilan de
compétences, mieux vaut
ne pas mener « une
recherche d’emploi active,
concrète et justifiable au
moyen de preuves ». C’est
pourtant un des « engagements
» du demandeur d’emploi tels que définis par Pôle emploi.
Ne pas le tenir est un motif de radiation,
comme le « refus de suivre une action d’aide
à la recherche d’emploi »… Comprenne et
sauve qui peut !
Article publié dans CQFD n°73, décembre 2009.