Le 5 juillet, s’adressant à la grappe de patrons qui venaient de l’introniser reine, Laurence Parisot démontra qu’on peut avoir à la fois des dents de requin et un cœur de violette : « Nous encouragerons les rencontres, déclara-t-elle, mais plus encore les coopérations, là sur le développement durable, là sur l’intégration, là dans les quartiers difficiles. » Ces romantiques intentions, la nouvelle pédégère du Medef venait tout juste de les tester sur le terrain. Le 29 juin, les chômeurs du Rassemblement contre le travail obligatoire (RTO) font irruption au siège de l’IFOP, la boîte de sondage dirigée par Laurence Parisot, et qui recourt massivement à une main-d’œuvre ultra précaire (voir CQFD n°24). Hall spacieux, jardin privatif : le lieu idéal pour engager une « coopération » avec les militants du RTO, qui en connaissent un rayon sur le « développement durable » des boulots-poubelle, « l’intégration » des non-indemnisés et « les quartiers difficiles » de Chômeland. « Aujourd’hui, avec les syndicats, le Medef siège à l’Unedic, expliquent les occupants. Ils vont discuter des nouvelles mesures de contrôle des chômeurs auxquelles ils adhèrent et qui permettent de nous imposer des boulots de merde. Les principaux clients de l’IFOP sont de grandes entreprises comme L’Oréal et Coca-Cola. Ceci explique sans doute que les sondages reflètent l’esprit et les valeurs de ces multinationales. » Et le RTO de poser ses exigences. Primo, un sondage gratuit demandant : « Préférez-vous donner de l’argent aux patrons ou aux précaires ? » Deuxio, un rendez-vous avec la patronne. Et enfin, les comptes du Medef. Des demandes raisonnables, quand on y réfléchit.
Mais la « coopération » peine à s’engager. Le sondage ? « Le directeur trouve la question trop orientée politiquement, racontera le RTO. Du côté des salariés, une partie semble trouver notre interprétation intéressante puisque des applaudissements nous parviennent des étages quand nous lisons nos tracts au mégaphone. » Quant au rencard avec Parisot et aux comptes du Medef, il faudra voir ça avec le commissariat. En effet, la pédégère « finira par nous informer qu’elle ne répond pas sous la pression et qu’elle ne prendra pas la peine de nous signifier ce refus par écrit. C’est donc par une évacuation policière que la future chef des patrons répond aux précaires. » Une semaine plus tard, l’arrivée de dame tape-dur à la tête du Medef sera saluée par les médias comme une grande victoire du féminisme.
Article publié dans le n°25 de CQFD, juillet 2005.